Vicissitudes d’une anthologie

Au moment de clore ce dossier, nous apprenons avec tristesse le décès de Enrique Rodolfo Fogwill survenu le samedi 21 août 2010.

Pourquoi publier en France un dossier d’écrivains argentins? Pourquoi de « nouveaux » auteurs argentins? Pour quelle raison choisir le genre de la nouvelle? Procédons par ordre : dans un premier temps, la curiosité pour de jeunes écrivains nous a servi de tremplin pour imaginer cette anthologie : qu’écrit aujourd’hui la très jeune génération d’écrivains argentins? Puis, à mesure que les textes sont arrivés, le critère s’est modifié. Si l’intérêt premier est resté celui porté à la « jeune écriture », nous avons constaté les limites que suppose une telle classification. En effet, quels auteurs argentins le lecteur français connaît-il au-delà de Jorge Luis Borges, Julio Cortázar, et, dans une moindre mesure, Ernesto Sábato, Adolfo Bioy Casares ou Manuel Puig? Passer de ces auteurs consacrés à des écrivains qui commencent à publier leurs premiers romans et nouvelles, revenait à escamoter un laps de temps essentiel. Après Borges, ce n’est qu’au terme d’un long périple d’écritures qu’on arrive à la situation actuelle de la littérature argentine. Et ces écritures, peut-être à cause de la force d’attraction des grands éléphants blancs du boom (Gabriel García Márquez, Mario Vargas Llosa, Carlos Fuentes, pour ne citer que quelques noms), n’ont pas bénéficié — et ne bénéficient toujours pas — de l’attention constante des lecteurs français. Hors Argentine, en France et dans beaucoup d’autres pays, des écrivains incontournables de la tradition argentine comme Rodolfo Walsh, Haroldo Conti, German Rozenmacher, Osvaldo Lamborghini, Juan José Saer, Ricardo Piglia, Rodolfo Enrique Fogwill et César Aira, entre autres, constituent presque une société secrète dont les lecteurs se reconnaissent comme des membres exclusifs. Ceux qui lisent ces auteurs sont, comme l’écrivit Borges au sujet des lecteurs de Marcel Schwob, des “happy few”.

En raison de ce hiatus des littératures argentines postérieures au boom, souffrant d’un lectorat restreint hors frontières, nous avons décidé d’élargir le champ de cette anthologie. Notre sélection, en plus de « jeunes auteurs », qui n’ont pas, hormis quelques exceptions, d’ouvrage traduit en français, inclut aussi d’autres figures qui fonctionnent, disons, comme des passeurs ou des médiateurs, permettant d’introduire les plus jeunes.

Le premier à avoir publié ses textes, dans ce groupe, est Rodolfo Enrique Fogwill (né en 1941). Le choix de la nouvelle Le Japonais, parue en 1981, obéit — en plus de l’indéniable qualité du texte (dans le récent prologue aux Cuentos completos de Fogwill l’écrivain et critique Elvio Gandolfo la place parmi les dix meilleures nouvelles de la littérature argentine) — au fait que cette nouvelle n’ait pas été incluse dans le seul livre de l’auteur publié en France (Muchacha Punk, Passage du Nord Ouest, 2006). Traversée en mer à bord d’un voilier le long des côtes uruguayennes, la nouvelle se remarque par la grande maîtrise technique de l’univers de la navigation et se clôt sur une fin à mi-chemin entre l’onirique et le fantastique. On peut déjà y voir les marques du « style Fogwill » qui se développera dans les nouvelles et romans postérieurs : le plaisir procuré par la connaissance précise d’un univers, l’exacerbation d’un certain savoir que le narrateur ou l’un de ses personnages détient sur le fonctionnement politique et social en général.

Parmi la génération postérieure à Fogwill, dans le récit que cette anthologie propose, nous convoquons quatre auteurs, dont deux ont actuellement gagné la reconnaissance du marché éditorial en Espagne et en France : Alan Pauls (1959), Martín Kohan (1967), notamment depuis que chacun des deux a obtenu le prestigieux prix Herralde il y a quelques années. Quant aux deux autres, tant Carlos Gamerro que Juan José Becerra, malgré une oeuvre publiée dans des maisons d’éditions reconnues (Norma et Emecé, respectivement) ou jouissant d’un certain prestige académique (Beatriz Viterbo Editora), ils n’ont pas encore vraiment obtenu de visibilité hors des frontières toujours étroites du champ littéraire argentin. Ces quatre auteurs ont plus d’un point en commun. À la proximité générationnelle s’ajoute celle des premières incursions sur le marché éditorial : les quatre ont commencé à publier leurs romans et nouvelles entre la deuxième moitié des années 80 et la première moitié des années 90 ; ils entretiennent également une relation constante (et conflictuelle?) avec d’autres formes et fonctions de l’écriture. Pour l’essentiel, avec la critique littéraire, le journalisme et la chronique, avec l’écriture de scénario et l’enseignement de la littérature (Kohan, Gamerro), du cinéma (Pauls, Becerra).

L’affaire Berciani (Pauls), Maudits Hamburgers (Gamerro), Les Abattoirs (Kohan) et Biographie d’une balle (Becerra), les quatre nouvelles choisies proposent des thèmes différents. Les deux premières témoignent sans doute de la relation que leurs auteurs entretiennent avec le discours de la presse. L’affaire Berciani se fonde sur l’exagération d’un fait divers urbain farfelu, dont le personnage principal, un bureaucrate d’une improbable métropole sud-américaine (dont les points communs avec Buenos Aires ne sont pas pure coïncidence), se propose de résoudre personnellement un inextricable et burlesque problème de trafic. Le texte propose ainsi un absurde trajet en voiture dans les rues de cette ville, constamment secondé par les répercussions médiatiques de l’affaire. Il s’agit en effet, entre autres, d’une « affaire » médiatique. Sans parodier le discours journalistique, la nouvelle de Gamerro, Maudits Hambugers, joue aussi toutefois avec un mythe urbain : celui des sandwichs de McDonald’s et de leurs conséquences supposées sur la santé de ceux qui les consomment.

Les deux autres nouvelles ont, quant à elles, un ancrage délibérément historique. Celle de Martín Kohan, dès son titre, Les Abattoirs, se réfère, dans un désir révisionniste, à l’un des récits fondateurs de la littérature argentine, El Matadero de Esteban Echeverría (1871), relu à travers le trajet d’un camionneur perdu sur les routes argentines. Biographie d’une balle, de Juan José Becerra, retrace, depuis une esthétique proche d’un certain objectivisme français, les péripéties d’une balle depuis son débarquement sur les terres argentines jusqu’à son destin final qui scelle un épisode déterminant de la vie politique du XIXème siècle argentin : l’assassinat du Général Lavalle par l’armée des Fédéraux de Juan Manuel de Rosas. [1]

Les « nouveaux »

Faire connaître à un lectorat français de nouveaux écrivains argentins suppose une série de précisions, d’ordre, d’une certaine façon, sociologique. Dans les années 90, l’Argentine n’est pas épargnée par la vague néolibérale qui, sur un plan culturel, bouleverse profondément les pays d’Amérique latine. La première grande conséquence de cette période, dans le champ littéraire, a été l’intégration des plus importantes maisons d’édition « locales » dans de grandes multinationales. Le cas le plus emblématique, en Argentine, est l’achat de la légendaire Editorial Sudamericana — dont le fonds avait été établi, à l’origine, par, entre autres, Silvina Ocampo et Oliverio Girondo — par le groupe Random House Mondadori ; un autre cas célèbre est celui de la maison Emecé, détentrice des droits des Œuvres Complètes de Jorge Luis Borges, acquis par le groupe Planeta.

Clôturant une décennie marquée par de profonds changements dans les structures économiques des différents pays, la crise de 2001 en Argentine a donné le coup de grâce à ce qui restait de l’industrie nationale du livre. Cependant, après la débâcle, un lent processus de récupération permet à un grand nombre de petites maisons indépendantes de voir le jour. On voit alors émerger des projets qui donnent la priorité à la qualité littéraire. De nouvelles maisons d’édition ont ainsi surgi sous la forme d’initiatives de lecteurs soucieux de rendre compte de ce qui s’écrivait en Argentine. Des maisons d’édition comme Beatriz Viterbo, Simurg, Adriana Hidalgo Editora, Interzona, El Cuenco de Plata et Santiago Arcos Editores, depuis la fin des années 2000, et plus près dans le temps, des projets comme Paradiso, Eterna Cadencia, Entropía, entre autres, constituent le contexte éditorial dans lequel il faut placer les quelques « nouveaux » écrivains argentins que nous réunissons ici.

Définir un écrivain comme « nouveau » est toujours matière à conflits puisqu’une telle dénomination ne se réfère pas nécessairement à une périodisation biographique mais plutôt à une incursion dans le marché éditorial. Concernant le sens premier de « nouveau », presque tous les auteurs choisis sont nés entre le milieu des années 70 et le début des années 80. Les trois exceptions sont Diego Vecchio (1969), Eugenia Almeida (1972), Mariana Enriquez (1973). Le second sens de « nouveau » en littérature répond à un critère beaucoup plus pertinent, puisqu’il renvoie à la concomitance des publications de ces auteurs qui ont tous publié à partir du milieu des années 90.

En plus de Vecchio, Almeida et Enriquez, le lecteur trouvera dans cette anthologie des textes de Oliverio Coelho (1977), Diego Erlan (1979), Matías Capelli (1982). Si une caractéristique pouvait définir l’ensemble, ce serait un invariant de la réalité actuelle de la littérature latino-américaine, à savoir, paradoxalement, l’impossibilité de réunir l’ensemble des textes sous des thèmes communs ou sous une même esthétique, qui serait la marque d’une génération ou d’un territoire. Cependant, l’extraterritorialité, par exemple, pour reprendre un lieu commun de la critique littéraire, pourrait bien être la caractéristique qui réunit au moins deux nouvelles, La Dame aux quintes de Diego Vecchio et le récit Principe d’incertitude de Matías Capelli (l’une des nouvelles qui composent le triptyque du livrel Frío en Alaska, paru chez Eterna Cadencia en 2009). Les deux textes partagent une même scène européenne. Le premier, situé dans un pays scandinave et dont l’action se déroule sans doute à la fin du XIXème siècle, raconte l’histoire d’une femme atteinte de la tuberculose qui se soumet à une étrange thérapie élaborée à base de lecture de nouvelles. Dans le cas du récit de Capelli, la déterritorialisation est la marque d’une expérience propre à notre époque : le séjour en Europe pour des études. On y raconte la relation à distance entre une jeune étudiante en doctorat résidant en Angleterre et son fiancé, un artiste plasticien né en Norvège mais vivant à Buenos Aires depuis son enfance.

Le reste des nouvelles oscille entre la ville et ses environs, avec parfois des références explicites à l’Argentine, et dans d’autres cas une action se situant dans des paysages plutôt indéfinissables. Le Seuil de Oliverio Coelho et Le Caddie de Mariana Enriquez se rejoignent sur le thème de l’indigence et d’une atmosphère apocalyptique. Le Seuil présente des aspects macabres dans un territoire de fin du monde où les hommes, se mouvant dans une ville fantôme, ont éliminé la plupart des femmes. Quant à la nouvelle Le Caddie, elle met en scène l’apparition d’un mendiant, la méfiance du voisinage et l’étrange chute dans l’extrême pauvreté d’un quartier situé dans la périphérie d’une grande ville. Conserves de Samantha Schweblin propose également une atmosphère sinistre mais avec une esthétique plus minimaliste. La nouvelle relate les angoisses d’un jeune couple attendant la venue de son premier enfant et son choix d’un procédé médical pour le moins déséquilibré afin d’inverser le processus naturel et empêcher la naissance.

Appartenant clairement à une littérature suburbaine, Boîte postale de Eugenia Almeida raconte la rencontre entre une femme originaire de Montecito, un petit village de la province de Córdoba et un inconnu qui croit se rendre à un rendez-vous sentimental pris via une petite annonce dans la presse.
Enfin, Trash de Diego Erlan est le fragment significatif (6 des 25 chapitres qui le composent sont publiés et traduits dans ce dossier) d’un récit plus long qui renvoie moins à la tradition de la nouvelle argentine qu’à certaines formes du thriller américain avec une esthétique proche d’un réalisme « sale » et, peut-être, de celle d’un écrivain comme Chuck Palahniuk.

Outre les préoccupations esthétiques signalées et la recherche d’une éventuelle coïncidence entre les auteurs, un élément définit clairement ce numéro : les textes que nous présentons sont des nouvelles. Il s’agit, en premier lieu, de faire honneur à un genre fortement enraciné en Amérique latine, et en Argentine en particulier. Peu de territoires linguistiques ont fait une telle profession de foi de la nouvelle. On a coutume d’affirmer que la nouvelle est le « genre le plus difficile » car il requiert de qui le pratique, à la fois de la concision, un usage harmonieux des moyens narratifs et surtout, une bonne histoire à raconter. Mais en outre, comme le signale César Aira, dans une des nombreuses anthologies de nouvelles latino-américaines contemporaines qui envahissent les bibliothèques, c’est le genre de la nouvelle que les jeunes écrivains choisissent pour se faire connaître. Avec beaucoup de lucidité, Aira écrit la chose suivante :

Je crois que la nouvelle dépend trop de sa qualité. La nouvelle est consubstantielle au «concours de nouvelles» ; pour qu’une nouvelle soit consommée comme une nouvelle, elle doit être « la meilleure nouvelle possible ». Elle dépend de son efficacité. Elle ne peut faire fi des résultats (contrairement au roman, dont la matière est l’imperfection, la disproportion, l’improvisation, le caprice). […] Cela expliquerait que les jeunes, les apprentis écrivains soient si assidus à la nouvelle (phénomène qui généralement intrigue ou irrite les critiques, tous d’accord sur le fait qu’il s’agit du genre « le plus difficile »). C’est que l’écrivain en herbe s’invente dans sa relation avec les autres, et la nouvelle, genre comparatif par excellence, est son moyen idéal dans cette étape. [2]

La nouvelle serait ainsi le champ de bataille initial qui confirme le jeune écrivain en en faisant un écrivain tout court. Bien évidemment, pour cela, les œuvres doivent rencontrer leurs lecteurs. Ce dossier devrait y contribuer.

Traduit par Enrique Schmukler, Gersende Camenen

Al momento de cerrar este dossier, nos enteramos con tristeza del fallecimiento a los 69 años de Enrique Rodolfo Fogwill, acaecido el sábado 21 de agosto de 2010.

¿Por qué publicar en Francia un dossier de autores argentinos? ¿Por qué, eventualmente, de “nuevos” autores argentinos? ¿Por qué elegir el género cuento? Vayamos por partes: en una primera instancia, la curiosidad por los jóvenes escritores funcionó como trampolín donde propulsarnos a idear esta antología: ¿qué escriben hoy en día los novísimos escritores argentinos ? Luego, a medida que se iban recolectando los textos, el criterio se modificó. Si bien el interés primero continuó siendo la “escritura joven”, también nos señalamos los límites que suponía una clasificación así. Porque ¿qué autores argentinos conoce el lector francés más allá de Jorge Luis Borges, Julio Cortázar, en menor medida de Ernesto Sábato, Adolfo Bioy Casares o Manuel Puig ? Saltar de estos consagrados a autores que recién comienzan a publicar sus primeras novelas o cuentos, nos parecía con toda seguridad omitir un flujo temporal esencial. Después de Borges, no se llega a la situación actual de la literatura argentina sino por un extenso periplo de escrituras que, tal vez por la fuerza magnética de los grandes elefantes blancos del boom (Mario Vargas Llosa, Garbiel García Márquez, Carlos Fuentes, por citar algunos) no gozaron ni gozan de la atención constante de los lectores franceses. Fuera de Argentina, en Francia y en muchos otros países, escritores insoslayables de la tradición argentina como Rodolfo Walsh, Haroldo Conti, German Rozenmacher, Osvaldo Lamborghini, Juan José Saer, Ricardo Piglia, Rodolfo Enrique Fogwill et Césair Aira, entre otros, conforman casi una sociedad secreta cuyos lectores se reconocen en su exclusividad. Quienes leen a estos autores son, como escribió Borges de los lectores de Marcel Schwob, los happy few.

En virtud de este hiato de literaturas argentinas posteriores al boom, que no abunda en lectores franceses ni de otros territorios lingüísticos, decidimos ampliar el arco de la definición que anima esta antología. Nuestra selección, además de autores “novísimos”, que no poseen, salvo contadas excepciones, obra traducida al francés, incluye también otras figuras que funcionan aquí, por así decirlo, como contextualizadores de los más jóvenes.

De ese grupo, quien comenzó a publicar primero es Rodolfo Enrique Fogwill (nacido en 1941). La elección del cuento Japonés, del año 1981, obedece además de a su indudable calidad (en el prólogo reciente a los Cuentos Completos de Fogwill, el crítico y escritor Elvio Gandolfo lo ubica dentro de los diez mejores cuentos de la literatura argentina), a que no ha sido incluido en el único libro del autor editado en Francia (Muchacha Punk, Passage de Nord/Ouest, 2006). Travesía marítima a bordo de un velero por las costas uruguayas, el cuento sobresale sin dudas por un gran conocimiento técnico del universo de la navegación y cierra con un final a medio camino entre lo onírico y lo fantástico. Ya se puede apreciar en él una marca del “estilo-Fogwill” que se desarrollaría en novelas y cuentos posteriores: el regocijo con la sabiduría precisa de un universo determinado, o cierta exacerbación de conocimientos que el narrador o algunos de sus personajes demuestra sobre el funcionamiento social y político en general.

De la generación posterior a Fogwill, en el racconto generacional que esta antología ofrece, convocamos a cuatro autores, dos de los cuales gozan actualmente del reconocimiento de la industria editorial en España y en Francia (Alan Pauls, (1959) y Martín Kohan, (1967)), más que nada a partir de la obtención del Premio “Herralde” de Novela hace unos pocos años. En cuanto a los otros dos, tanto Carlos Gamerro como Juan José Becerra, si bien con una obra publicada en editoriales ya de mediana tirada (Norma y Emecé, respectivamente), ya de prestigio académico (Beatriz Viterbo Editora, de la ciudad de Rosario), aún no han obtenido cierta visibilidad fuera de los siempre estrechos márgenes del campo literario argentino. No obstante, estos cuatro autores comparten más de un dato en común. A la proximidad generacional se añade una cercanía temporal en las primeras incursiones en el mercado editorial: los cuatro comenzaron a publicar sus novelas o cuentos entre los mediados de los años 80 y la primera mitad de los años 90; los cuatro, también, mantienen una relación constante (¿y conflictiva?) con otros formas y/o funciones de la escritura. Esencialmente, con la crítica literaria, el periodismo cultural o la crónica periodística, y con la escritura de guión cinematográfico y la enseñanza de cine (Pauls, Becerra).

El caso Berciani (Pauls), Las hamburguesas del mal (Gamerro), El matadero (Kohan) y Biografía de una bala (Becerra), son los cuatro cuentos elegidos de estos autores, divergentes entre sí. Tal vez los dos primeros de esta lista delaten la relación que sus autores mantienen con el discurso de la prensa. El caso Berciani, se sustenta en la exageración temática de un fait divers urbano totalmente estrafalario, cuyo personaje principal, un burócrata de una improbable metrópolis sudamericana (cuyos rasgos comunes con una cierta Buenos Aires no son pura coincidencia) se propone resolver personalmente un inextricable y burlesco problema de circulación. El texto propone así una absurda recorrida en auto por las calles de esta ciudad, continuamente mediada por las repercusiones mediáticas del caso. Sin impostar el discurso periodístico, sin embargo, el cuento de Carlos Gamerro, Las hamburguesas del mal, también opera sobre un mito urbano : el de las hamburguesas McDonald’s y sus sospechosas consecuencias en quienes las consumen.

Los otros dos cuentos, por el contrario, tienen un anclaje deliberadamente histórico. El de Martín Kohan, desde su título, El Matadero refiere, en un afán revisionista, a uno de los relatos fundadores de la literatura argentina, El Matadero de Esteban Echevarria, reconducido a la escena de un camionero perdido en las rutas suburbanas argentinas. Mientras que Biografía de una bala de Juan José Becerra narra, desde una estética cercana a un cierto “objetivismo” francés, la peripecia de una bala desde su desembarco en tierras argentinas hasta su destino final, que sella un episodio determinante de la vida política del siglo XIX argentino: el asesinato del General Lavalle a manos del ejercito Federal de Juan Manuel de Rosas.

Lo “nuevo”

Dar a conocer a un lectorado francés nuevos autores argentinos supone una serie de precisiones, todas ellas de orden, de alguna manera, sociológico. En los años 90, Argentina no estuvo exenta de la oleada neoliberal que, en el plano de la cultura, afectó a todos los países de América Latina. La primera gran consecuencia de este período, en el caso concreto del campo literario, fue la cooptación de las más importantes casas editoriales “locales” por parte de las grandes multinacionales de la edición. El caso emblemático, en lo que a Argentina se refiere, fue el de la compra de la legendaria Editorial Sudamericana -cuyo fondo editorial había sido establecido, en sus orígenes, entre otros por Silvina Ocampo y Oliverio Girondo-, por el grupo Random House Mondadori; y también el de la editorial Emecé, histórica propietaria de los derechos de las Obras Completas de Jorge Luis Borges, adquirida por el Grupo Planeta.

Década signada por cambios profundos en las estructuras económicas de los distintos países, en Argentina la crisis del año 2001 terminó por dar el golpe de gracia que obligó a sucumbir en la precariedad los restos de la industria nacional de libro. Con todo, a partir de la lenta recuperación que se vivió tras ese momento de debacle, comenzaron a ver la luz un gran número de pequeñas editoriales “independientes”. Se trató del auge de proyectos que priorizaban el “gusto” literario. Las nuevas editoriales surgieron casi como iniciativas de lectores abocados a la tarea de dar cuenta de lo que se estaba escribiendo en el tiempo presente. Editoriales como Beatriz Viterbo, Simurg, Adriana Hidalgo Editora, Interzona, El Cuenco de Plata y Santiago Arcos Editores, desde fines de los años 90 a principios de la década de 2000, y más cercanos en el tiempo, proyectos como Paradiso, Eterna Cadencia y Entropía, entre otros, marcan el contexto editorial en el que hay que situar a los escritores argentinos que reunimos aquí.

Definir a un escritor como “nuevo” es siempre conflictivo, ya que no necesariamente una denominación semejante refiere a una común periodización biográfica, sino a una incursión paralela en el mercado editorial. En cuanto a la primera de estas dos significaciones de “lo nuevo”, casi todos los autores elegidos nacieron entre mediados de los años 70 y comienzos de los años 80. En este sentido, las tres excepciones a la regla son las de Diego Vecchio (nacido en 1969), de Eugenia Almeida (nacida en 1972) y de Mariana Enríquez (nacida en 1973). El segundo significado de “lo nuevo” en literatura responde a un criterio mucho más pertinente, porque refiere a una coincidencia en el período en el que estos autores comienzan a publicar. Y en este sentido, hay que señalar que casi todos ellos publicaron sus primeros libros a partir del año 2000.

Además de Diego Vecchio, Eugenia Almeida y Mariana Enríquez, el lector se encontrará en esta antología con cuentos de Oliverio Cohelo (1977), Diego Erlán (1979) y Matías Capelli (1982). Si una característica pudiera definir al conjunto, ésta responde a una invariante propia a la realidad actual de la literatura latinoamericana: el conjunto se define, paradójicamente, por su imposibilidad de ser encerrado en temas comunes o en una estética compartida como marca generacional o territorial. No obstante, la extraterritorialidad, para adoptar un lugar común de la crítica literaria, bien podría ser una de sus características en común. Al menos dos de los cuentos elegidos encajan con esta definición: La Dama de las toses, de Diego Vecchio y el relato El principio de incertidumbre de Matías Capelli, (que es, en realidad, uno de los cuentos que componen el tríptico novelado Frío en Alaska, publicado por Eterna cadencia en 2009). Ambos textos comparten una ambientación europea. El primero de ellos, situado en algún país escandinavo y, es de suponer, a fines del siglo XIX, cuenta la historia de una enferma de tuberculosis a merced de una extraña terapia curativa a base de lecturas de cuentos. En el caso del relato de Capelli, la desterritorialización es marca de una experiencia propia de nuestra época: la estancia en Europa por razones de estudios. Se cuenta en él la relación a distancia entre una joven que realiza un posgrado en Inglaterra y su novio, un artista plástico nacido en Noruega pero radicado en Buenos Aires desde niño.

El resto de los cuentos oscila entre la ambientación urbana y la suburbana, a veces con referencias claras a Argentina, y en otros casos situándose en paisajes más bien indefinibles. El Umbral de Oliverio Cohelo y El Carrito de Mariana Enríquez confluyen en la temática de la indigencia y en una atmósfera apocalíptica. El Umbral tiene visos macabros en un territorio de fin del mundo en donde los hombres han aniquilado a la mayoría de las mujeres de una ciudad fantasmal. En cambio, El Carrito, plantea la aparición de un mendigo, la consecuente desconfianza del vecindario y una extraña caída en la pobreza extrema de un barrio de alguna ciudad de la periferia. También hace uso de lo siniestro, aunque de ambientación minimalista, Conservas, de Samantha Schweblin, que narra la preocupación de una joven pareja ante el adelanto del nacimiento de su primer niño, y la elección de un por lo menos desequilibrado procedimiento médico para invertir el proceso natural y detener el nacimiento.

De corte netamente suburbano, Casilla de Correos de Eugenia Almeida narra el encuentro entre una mujer oriunda de Montecito, un pueblito de la provincia de Córdoba y un desconocido que cree acudir a un encuentro sentimental concertado a través de un anuncio en la prensa. Por último, Trash, de Diego Erlan es un fragmento significativo de una narración extensa (6 partes de 25) que remite menos a una tradición del cuento argentino, y en cambio adopta ciertas formas del thriller norteaméricano, con una estética afin a cierto realismo sucio — o tal vez a la de un escritor como Chuck Palahniuk.

Amén de las preocupaciones estéticas señaladas, y de la búsqueda de coincidencias entre los autores, un elemento define al dossier llamativamente: todos los textos que presentamos son cuentos (o pueden leerse como tales). Se trata, en primer lugar, de hacer honor a un género fuertemente arraigado en toda Latinoamérica (y en Argentina en particular). Pocos territorios lingüísticos han hecho una profesión de fe del cuento literario como el hispanoamericano. Se suele afirmar que el cuento es el “género más difícil”, ya que requiere a un mismo tiempo concisión, dosificación armónica de recursos narrativos, y sobre todo, una buena historia que contar. Pero además, como señala César Aira, en una de las tantas antologías del cuento latinoamericano contemporáneo que fluyen por las bibliotecas de todo el mundo, el cuento es el que eligen los jóvenes para darse a conocer. Escribe Aira lúcidamente:

Creo que el cuento está demasiado cercano a su calidad. El cuento es connatural al « concurso de cuentos »; para que un cuento se consume como cuento debe ser « el mejor cuento posible ». Depende de su eficacia. No puede desentenderse de los resultados (como sí puede hacerlo la novela, cuya materia es la imperfección, la desproporción, la improvisación, el capricho). […] Eso explicaría que los jóvenes, los aprendices de escritores, sean tan asiduos del cuento (hecho que suele intrigar o irritar a los críticos, todos de acuerdo en que es el género « más difícil »). Es que el escritor en ciernes se inventa en relación a los otros, y el cuento, género comparativo por excelencia, es su medio ideal en esta etapa.

El cuento, entonces, sería el campo de batalla inicial que da paso a la confirmación del escritor joven en escritor a secas. Claro que para esto las obras deben encontrar lectores. Sirva este dossier para ello.

Par Enrique Schmukler, Gersende Camenen

Gersende Camenen est docteure en littérature latino-américaine et maître de conférences à l’Université de Tours. Ancienne élève de l’École Normale Supérieure, traductrice d’essais et de nouvelles publiées dans la NRF.

Enrique Schmukler (La Plata, 1976) vit en France depuis 2004. Doctorant en littérature hispanique à l’Université de Paris VIII, il est également ATER à l’Université de Franche-Comté (Besançon, France). Journaliste culturel et critique littéraire, il écrit sur la littérature dans plusieurs journaux argentins (Página/12, Revista Ñ, entre autres). Il a aussi consacré des articles critiques à la nouvelle littérature hispano-américaine dans diverses publications académiques.

Les ateliers Hispanophonies sont dirigés par Ivan Salinas.
Il réalise actuellement un doctorat en littérature comparée à la Sorbonne nouvelle - Paris III, où il collabore à la revue Trans— de Littérature Générale et Comparée.

Il a été photographe (Harmonies primaires) et éditeur (Punto de Partida N° 147).

Dans le domaine de la traduction, il a traduit de nombreux poètes et romanciers francophones, notamment Henri Michaux, Antoine Volodine, Ivan Alechine (dont il a traduit le livre Tapies et Caries), Jean Echenoz, Jean Rollin, Patrick Deville et Jean-Philippe Toussaint (ces quatre derniers pour l’Anthologie Más allá de la sospecha), et J-M. G. Le Clézio, dont le livre La fiebre, est sorti en août.

Il a préparé et traduit l’anthologie poétique El sendero frugal de Jacques Dupin, qui paraîtra le mois de septembre dans la collection Hotel Ambosmundos, en coédition avec la Sec. Cul. de Puebla.

Il est aussi l’un des coordinateurs de l’atelier d’écriture en espagnol du « Taller de París » qui a lieu à l’Institut Cervantes depuis plusieurs années.

La rubrique est entièrement illustrée par Esteban De la Mata. Originaire de Mar del Plata, en 2002 il obtient un diplôme en communication sociale à l’Université nationale de La Plata. Il a travaillé comme journaliste à la radio et à la télévision, et comme attaché de presse dans le domaine politique. Il a aussi été professeur, facteur, barman et ouvrier agricole. Il a vécu dans de nombreux endroits (La Plata, Buenos Aires, Patagonie, Brésil, Espagne) et vit actuellement à Bordeaux.

[1Juan Galo de Lavalle (Buenos Aires, 1797- San Salvador de Jujuy, 1841), connu sous le nom de Juan Lavalle, militaire et homme politique argentin, figure illustre de la Guerre d’Indépendance de l’Argentine, chef militaire et politique durant les guerres civiles qui agitèrent le pays tout au long du XIXè siècle. Durant la dernière campagne militaire à laquelle il participa, et dont le but était de renverser le général Juan Manuel de Rosas, il tomba sous le feu de soldats fédéraux qui avaient découvert dans la ville de Jujuy la maison où il se touvait et tirèrent sur la porte : une des balles traversa la serrure, le blessant mortellement. Par la suite, son corps (ou ce qui put en être sauvé par ses coreligionnaires : ses os, son cœur et sa tête) connut un long périple qui le mena en Bolivie et au Chili avant d’être inhumé en Argentine, où reposent actuellement ses restes.

[2(Eva Valcárcel López (coord.), El cuento hispanoamericano del siglo XX: teoría y práctica, Universidade da Coruña, 1997)